Biographie
« Ils n’ont pas l’air vraiment sûrs de comment ils sont arrivés là, ces six Rochelais qui semblaient sortir du lycée hier, ou peut-être avant-hier. C’est vrai que même si, depuis l’école primaire, beaucoup de choses ont changé, bien peu de choses ont finalement changé : ils sont toujours ensemble, à préparer les quatre-cent-coups.
Ces “bien peu de choses” peuvent se résumer en quelque mots, ceux que vous avez déjà lu partout : l’amitié, la musique, le goût de l’aventure et des soirées arrosées… Quant à ces “beaucoup de choses”, il faudrait peut-être un roman d’aventure de l’épaisseur de Martin Eden pour les contenir. Et “The Fabulous Expedition of Le Grand Vésigue” en serait certainement un des chapitres les plus passionnants.
Si la genèse de The Big Idea s’écrit entre les couloirs du lycée et l’Aquarium de La Rochelle, à sécher les cours en semaine et décapsuler des bières le week-end sur la plage, le premier chapitre se déroule véritablement dans une grande maison en région parisienne où les sept garçons (à l’époque) emménagent une fois le bac en poche. Nous sommes en 2015 et c’est le début d’une demie-décennie de vie en communauté. Si l’espace manque parfois, l’hospitalité ne fait jamais défaut. Pendant ces cinq ans, The Big Idea accueille tous les groupes de rock d’Europe qui viennent jouer à Paris sans point de chute. La maison de Champigny-sur-Marne, presque invisible dans la monstrueuse mégalopole, devient un point d’accueil central de l’underground de la capitale, un espace de respiration vital au cœur de la machine Parisienne qui grisaille les rapports humains.
Ce cyclone créatif au cœur duquel est placé le groupe porte très rapidement ses fruits. Après deux EP enregistrés dans leur studio et sortis en 2016, le groupe frappe fort avec son premier album ‘’La Passion du Crime 3’’ (2017). Ce quadruple album ( ! ), composé narrativement comme une enquête policière fictive, affirme une chose fondamentale : The Big Idea est bien décidé à ne pas faire les choses comme tout le monde. Les influences des grandes tribus psychédéliques du rock n’roll se dessinent naturellement (The Brian Jonestown Massacre, King Gizzard & The Lizard Wizard, Pond, The Rolling Stones période “Exile On Main Street” ou les Beatles de “Magical Mystery Tour”). Le groupe enchaîne les albums (“Daytona!” en 2018, “Margarina Hotel” en 2019) et les garçons voyagent aux quatre coins de l’Europe au rythme des tournées qui leur permettent de développer une furieuse alchimie en live. Mais alors que le monde est mis en pause à cause de l’épidémie de Covid-19, le groupe retourne près de la mer à La Rochelle pour fomenter un nouveau projet fou.
Cette idée complètement folle naît sûrement une fois de plus lors d’une interminable soirée. Et comme les désormais six musiciens sont toujours déterminés à réaliser ce qu’ils fantasment, le projet de voyage est lancé : un nouvel album dont l’enregistrement se ferait à bord d’un voilier, et lors d’une traversée de l’Océan Atlantique. Si le monde reste immobile pendant l’épidémie, le groupe ne peut pas s’empêcher de s’agiter, presque par instinct de survie. Pendant un an, les garçons préparent le voyage, se forment à la navigation, retapent leur navire, Le Grand Vésigue, et écrivent les bouts de chansons qui composeront “The Fabulous Expedition of Le Grand Vésigue”.
Ce quatrième album de The Big Idea a des airs d’exploits : une Route du Rhum en musique où Anton Newcombe tient la barre et Paul MacCartney hisse la grand-voile. “The Fabulous Expedition of Le Grand Vésigue” est enregistré en deux mois, lors d’un transatlantique pendant laquelle la mer, qu’elle soit d’huile ou complètement démontée, accompagne en permanence les marins livrés à eux-mêmes. Naturellement, la musique du groupe prend la couleur de cet océan qui se dessine à perte de vue. Leur pop sophistiquée se teinte du son de la houle qui remue la coque ou les cordages, ainsi que des guitares espagnoles et percussions africaines capturées pendant leurs escales successives aux Canaries et Cap-Vert. On y entend toujours ce rock psychédélique arrangé à la perfection et orchestré par les six voix, et sa traditionnelle pléthore d’instruments exotiques. On y entend aussi le bruit du vent, le son de l’eau, et la chaleur du soleil.
Finalement arrivé en Guadeloupe, le groupe se sépare de son navire et confie les précieuses bandes de l’album au formidable Stéphane Gillet, qui a pour mission de mixer l’album et restituer
l’ambiance de la cabine du Grand Vésigue. Dans la foulée, les inséparables rempilent pour une nouvelle collocation, cette fois en région bordelaise.
The Big Idea se donne toujours les moyens de réaliser nos rêves d’adolescents : monter un groupe de rock, partir vivre en communauté avec tous ses potes, acheter un camion et faire le tour de l’Europe, retaper un bateau et partir à l’aventure… Mais ce qui rend l’aventure particulièrement belle, c’est la simplicité avec laquelle le groupe nous accueille chez lui, sans rien demander, comme à Champigny-sur-Marne, où tout le monde était le bienvenu, et désormais comme sur le Grand Vésigue, où personne n’est laissé sur le quai. »
Alexis Deux-Seize